Cass. com. 19 février 2013 n° 11-28.423 (n° 171 F-PB), Bastien c/ Sté BNP Paribas
En cas de procédure collective du débiteur, la caution est libérée si le créancier n’a pas déclaré sa créance même chirographaire dès lors qu’il lui a fait perdre un avantage effectif du droit d’être admise dans les répartitions et dividendes de la procédure collective.
La caution est libérée de son engagement lorsque, par le fait du créancier, elle ne peut plus être subrogée dans les droits, hypothèques et privilèges dont celui-ci était titulaire (C. civ. art. 2314). Par ailleurs, lorsqu’un débiteur fait l’objet d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le créancier, qui n’a pas déclaré sa créance dans le délai requis et n’a pas été relevé de forclusion, n’est pas admis dans les répartitions et les dividendes décidées dans le cadre de cette procédure (C. com. art. L 622-26).
En conséquence, vient de juger la Cour de cassation, lorsque le créancier a omis de déclarer sa créance, peu important la nature de celle-ci, la caution est déchargée de son obligation si elle avait pu tirer un avantage effectif du droit d’être admise dans les répartitions et dividendes, susceptible de lui être transmis par subrogation.
Une banque qui n’avait pas déclaré la créance qu’elle détenait sur une société après la mise en liquidation judiciaire de celle-ci avait mis en oeuvre le cautionnement qui garantissait la créance. Pour condamner la caution à payer la banque, la cour d’appel de Toulouse avait jugé que l’article 2314 du Code civil n’était pas applicable car la créance de la banque qui n’était que chirographaire ne bénéficiait d’aucune garantie. La Cour suprême a cassé cette décision.
à noter
Depuis la réforme des procédures collectives issue de la loi sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, la créance non déclarée (ou irrégulièrement ou tardivement déclarée) est inopposable à la procédure collective (Cass. com. 3-11-2010 n° 09-70.312 : BRDA 22/10 inf. 10) et non plus éteinte comme sous l’empire des anciens textes.
Contrairement à l’extinction, l’inopposabilité ne constitue pas une exception inhérente à la dette, susceptible d’être opposée par la caution pour se soustraire à son engagement (Cass. com. 12-7-2011 n° 09-71.113 : BRDA 15-16/11 inf. 8). Mais, et c’est la première fois que la Cour de cassation l’affirme, cela n’interdit pas à la caution d’invoquer le défaut de déclaration pour perte de la faculté d’être subrogée dans les droits du créancier.
La Cour de cassation avait précédemment jugé que l’article 2314 du Code civil s’applique à la perte de subrogation dans un droit exclusif ou préférentiel conférant un avantage particulier au créancier pour le recouvrement de sa créance (Cass. com. 3-5-2006 n° 04-17.283, 04-17.396 : BRDA 11/06 inf. 17).La doctrine était partagée sur la notion de droit préférentiel, certains auteurs considérant qu’elle était antinomique avec la notion de créance chirographaire (par exemple, L. Aynès et P. Crocq, Les sûretés – La publicité foncière éd. Defrénois 2012 n° 283) tandis que d’autres estimaient qu’elle englobait tout droit susceptible de procurer à la caution un avantage par voie de subrogation, y compris celui de participer aux répartitions et dividendes dans une procédure collective (Ph. Simler, Cautionnement, garanties autonomes, garanties indemnitaires, éd. Litec 2008 nos 721 et 823).
C’est cette dernière interprétation qui est ici retenue, sous la réserve toutefois que la caution ait pu tirer un avantage effectif de ce droit. En pratique, la caution, subrogée dans une créance chirographaire, ne pourra pas utilement invoquer la perte du bénéfice de subrogation pour défaut de déclaration de la créance par le créancier si, compte tenu du montant du passif « privilégié » (notamment, frais de la procédure collective, salaires, impôts, créances assorties d’une sûreté), elle n’a aucune chance d’être remboursée même partiellement. Toutefois, depuis l’ordonnance du 18 décembre 2008, applicable aux procédures collectives ouvertes à compter du 15 février 2009, la caution ne peut plus être poursuivie en paiement des créances non déclarées pendant la durée d’exécution du plan de sauvegarde (C. com. art. L 622-26, al. 2) mais elle peut l’être en cas de plan de redressement (art. L 631-14, al. 6).